SUITE FRANCAISE

Suite Française : Eté 1940,  nous sommes en pleine débâcle de l’armée française. Les populations fuient un ennemi qui avance à marche forcée. Sous les bombardements et les tirs de mitrailleuses l’exode commence et peu à peu les villages de France se remplissent de réfugiés.

l'Exode - 1940

L’exode – 1940

Après l’aviation allemande, ce sont les troupes terrestres et les chars allemands qui prennent possession du territoire. Ils arrivent ainsi dans le village de Bussy. Les maisons sont réquisitionnées pour recevoir les troupes. Bruno von Falk (Mathias Schoenaert), jeune officier allemand compositeur dans le civil, cultivé et humaniste est hébergé dans la demeure d’une riche propriétaire terrienne. C’est ainsi qu’il va faire connaissance avec Lucile Angellier (Michelle Williams) qui vit sous la férule de sa belle-mère, femme hautaine et autoritaire, farouche opposante à l’envahisseur. Le personnage (interprété magnifiquement par Kristin Scott Thomas) est proche de l’univers de Mauriac (Folcoche n’est pas loin).

Lucile, docile et effacée, attend le retour de son mari, prisonnier des Allemands. Lucile est mélomane, Bruno compose, tout les rapprocherait si la guerre ……..

Dans Suite Française nous retrouvons des accents du Silence de la mer de Vercors, les mêmes ressorts. Le personnage de l’officier allemand n’est pas sans nous rappeler celui de l’oeuvre citée.

L’Auteur de Suite Française

Suite Française est tiré du roman éponyme inachevé (2 tomes au lieu des 5 prévus par l’auteur), écrit par Irène Némirovski en 1942. Irène Némirovski est née à Kiev en 1903 dans une famille juive et aisée de banquiers. Irène et sa famille, proche de l’entourage du Tsar s’enfuient en 1918. Dans un premier temps, ils trouvent refuge en Finlande, puis en Suède et enfin en France. Après une traversée tumultueuse, la famille débarque à Rouen et arrive enfin à Paris. C’est dans la capitale qu’elle retrouvera le calme, rencontrera son mari, issu lui aussi d’une famille de banquiers et pourra engager son oeuvre littéraire dans un confort certain.

IRENE NEMIVROVSKY

Irène Némivrosky

Son talent est très rapidement reconnu et ses premiers romans sont des best-sellers (David Golder en 1929 et le Bal en 1930) et ce malgré son très jeune âge. Son contrat de mariage lui garantissant la propriété de ses droits d’auteur, elle assure sa sécurité financière. Elle appartient au monde littéraire et collabore à de nombreuses revues dont certaines ne cessent encore aujourd’hui de surprendre, tel Gringoire, revue antisémite et collaborationniste dans laquelle elle publiera de nombreuses nouvelles jusqu’à 4 mois avant son arrestation.

Irène Némirovsky et sa judéité

Irène assume difficilement sa judéité malgré sa condition de bourgeoise juive aisée. Ayant du fuir les pogroms de l’est, elle se sent victime de sa judéité, “ressentant une haine de soi” en tant que juive. Elle n’hésite pas dans certaines de ces oeuvres à reprendre les clichés véhiculés par les antisémites et nazis pour décrire certains de ses personnages Elle s’est convertie au catholicisme et entrainé son mari et ses filles à le faire dès 1939, espérant ainsi échapper aux Nazis. Dès 1933, elle confie à sa nurse, nous allons tous mourir. Son mari et elle mourront, ses filles mises à l’abri en province survivront.

Les camps

Camp de Concentration

Dénoncée, elle est prise dans la grande rafle et malgré les démarches de son mari auprès du monde de l’édition, elle est dirigée vers le camps de Pithiviers avant de faire partie d’un des premiers convois vers Auschwitz. Elle y décèdera en aout 1942, un mois après son arrivée, vraisemblablement du typhus.

L’avis d’Annie : *****

Dans Suite française, la question juive est traitée rapidement. On peut aussi regretter les stéréotypes quant aux personnages : l’ouvrier est résistant, le vicomte est collaborateur, comme si les choix étaient dictés par l’origine sociale. Bien sur, nous retrouvons les alternatives auxquelles nous confrontent de telles périodes : résister ou collaborer, dénoncer au sauver, sympathiser ou non avec l’ennemi, voire plus, si l’on est une femme et que l’absence d’homme rapproche du soldat allemand (ils sont si attirants….. torses nus à se laver dans la fontaine).

Lucile et Bruno se reconnaissent, mais le poids de l’histoire les garde à bonne distance tout en aiguisant amour et désir. Ce sont des êtres de devoir. Ils désirent ardemment que l’autre survive n’ignorant pas ce que chacun d’eux entreprend contre l’autre. La musique est ce lien ténu au nom duquel s’aimer est peut être possible. Cette partition de Beethoven en est le symbole.

Lucile et Bruno

Lucile et Bruno

Et je ne peux m’empêcher, en cet instant, de réentendre cette petite musique de “Né en 17 à Leidenstadt” de JJ Goldman et  “Göttingen” de Barbara.

“Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j’avais été Allemand ?                                                        Et qu’on nous épargne à toi et à moi très  longtemps d’avoir à choisir son camp”.

Et pour cette interrogation qu’engendre ces choix difficiles, Suite Française est riche de cette réflexion portée par le talent du réalisateur Saul Dibb, servie par des plans finement ciselés dans une lumière judicieusement travaillée.

L’interprétation de Michelle Williams nous laisse un peu sur notre faim. Difficile de l’imaginer dans cette héroïne fièvreuse du roman : trop passive, trop soumise, trop ventre mou pour enflammer le coeur de cet officier bien habité par Matthias Schoenaert.

Suite Française peine à s’élever à la hauteur du roman, à retrouver sa puissance de narration, à restituer la complexité des personnages et de la situation, de même qu’à nous décrire cette France de 1940. Cependant, le film reste de bonne facture et mérite au moins ses 3 étoiles.

Sorti le : 15 mars 2015 – Duré 1 H 47 mn

Réalisateur : Saul Dibb

Acteurs : Michelle Williams, Kristin Scott Thomas, Mathias Schoenaert, Sam Riley, Ruth Wilson

Genre : Guerre, drame

Nationalité : Franco, Britannico, Belge

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